J’ai aujourd’hui le grand honneur de représenter
l’Académie Syrienne de Gastronomie autour de
cette table ronde. J’aimerais parler de la Route
de la Soie qui est sans doute mythique et
historique et qui a fait rêver les plus grands
voyageurs de tous les temps. Cette route n’a pas
seulement véhiculé les précieuses soies de
reines et des princesses mais aussi de
nombreuses marchandises, des livres devenus
universels et bien sûr de multiples produits
alimentaires. Elle était aussi porteuse d’une
pensée cosmique et de tout un art de vivre.
De leur mémoire la plus ancienne et la plus
féconde, les caravanes de la Route de la Soie
circulaient d’est en ouest, traversant de villes
éblouissantes dont celles de Syrie comme l’oasis
de Palmyre, l’antique Emèse (Homs), Tortose
(Tartous), Alep ou Antioche. Les parcours
étaient longs et pénibles suivant les caprices
des saisons, les risques des chemins mais la
fraternité et la fidélité liaient tous les
membres entre eux durant ces long voyages. De
lieux en lieux, ils assuraient les échanges
commerciaux mais tissaient des relations
durables et amicales entre des peuples de
coutumes divergentes, de cultures multiples et
de religions différentes. Ils instaurèrent ainsi
depuis la nuit des temps un dialogue entre les
pays du monde ancien.
Les historiens ont étudié le prodige grec, le
miracle romain et reconnu l’érudition des Arabes
qui ont su puiser, améliorer puis transmettre la
pensée des Anciens. Ils ont aussi excellé dans
l’art culinaire utilisant les épices multiples
de la Chine et de Indes. Ils avaient hérité des
paradis de Babylone et planté tout autour de la
Méditerranée des fruits savoureux comme les
oranges, les pêches, les prunes, les abricots et
tant d’autres. L’influence de la civilisation
syrienne sur l’Europe du Moyen-Age a été
considérable dans le domaine des sciences et des
arts. Il y a eu de grands échanges par les
voyageurs, ainsi que par les Croisades.
L’Occident de l’époque traversait une période
sombre de son histoire.
Les Arabes ont beaucoup voyagé et ont importé la
canne à sucre des confins de l’Asie pour la
planter en Syrie, en Palestine et en Egypte. Ils
ont surtout amélioré le procédé d’extraction
pour le faire connaître à Venise puis à
l’Espagne au IXième siècle et le répandre dans
les îles du bassin méditerranéen. Là, dans
toutes les langues, le mot « sucre » garde son
origine arabe.
Les Arabes ont aussi hérité de la civilisation
mésopotamienne. Ils ont ainsi connu le riz qui
déjà à l’époque ancienne constituait la
nourriture quotidienne. De leur relation avec
l’Espagne ils laissent derrière eux la Paëlla
andalouse qui est un plat de riz cuisiné avec
des restes de viande, de poulet et de poisson.
Paëlla vient de l’arabe « baqaya » qui veut dire
« les restes ».
Un autre de leurs nombreux délices est le
marzipan connu aussi sous le nom de « douceur du
harem ». Il est né dans nos pays d’orient et
était préparé à base d’amandes et d’eau de fleur
d’oranger, pour la seule table des califes. Les
caravanes, les Vénitiens, les Croisés le firent
enfin connaître à l’Europe.
Beaucoup de plats se ressemblent autour de la
mer Méditerranée, une longue civilisation a
rapproché toujours les deux rives même si
souvent il y a eu de nombreuses variantes pour
un même mets, dues à la différence des goûts ou
à la disponibilité de matières premières.
Partout subsistent encore les saveurs de la
Route de la Soie.
Les caravanes de la Route de la Soie exhalent
encore des parfums étranges, ceux des épices
bruns, des fleurs inconnues, des fruits
exotiques. Elles ne s’effaceront jamais de la
mémoire du temps, de l’imaginaire du poète, du
rêve de l’artiste, du flair des marchands. Elles
émergeront toujours comme une espérance en
souvenir d’un dialogue entre les hommes qui
aimaient le savoir et voulaient créer tout un
art de vivre. |